L’indécente exploitation

A l’heure actuelle, aucun politicien ne peut ignorer la question sociale. Les données sur le chômage et la misère en Belgique prouvent, s’il le fallait encore, que dans notre société libérale, la vie est de plus en plus difficile, même pour ceux qui travaillent. Pourtant notre pays ne possède pas l’exclusivité de cette situation insoutenable socialement et dangereuse économiquement : on dénombre seize millions de bas salaires dans l’Union européenne qui rencontrent des difficultés à boucler leur fin de mois. Autre chiffre, autre choc : dans la région parisienne, de récentes statistiques montrent qu’un S.D.F. sur trois dispose d’un emploi. Ce constat effrayant n’est pas propre uniquement à la France : en Europe, un salarié sur dix vit sous le seuil de pauvreté ou dans la rue.

Certes, tous les travailleurs ne vivent pas dans la précarité et certains jouissent pleinement d’une opulente richesse. Mais ils ne sont pas légions ! Avec la croissance fulgurante des prix dans tous les domaines sauf, bien évidemment, les salaires, il devient de plus en plus dur de (sur)vivre. Les employeurs ont bien compris la situation et ils en profitent pour exploiter davantage leurs employés. Ainsi, de plus en plus d’entreprises, afin d’éviter des licenciements ou des délocalisations, proposent à leurs employés de travailler plus sans augmenter les salaires voire en diminuant ceux-ci, comme l’a effectué Deutsche Telecom, opérateur allemand qui se positionne en tant que numéro un européen, dans une de ses succursales en Allemagne en avril 2007.

Finalement, c’est la loi de la jungle sociale qui est d’application : travailler plus, gagner moins et surtout vivre moins bien. Dans la situation socio-économique actuelle, les dégâts risquent d’être extrêmement destructeurs. En effet, augmenter le temps de travail conduit inévitablement, à moyen terme, à détruire encore davantage d’emplois mais également à le concentrer toujours plus sur moins de personnes. Ces dernières vont accumuler plus de stress, plus de charge individuelle de travail, moins de vie familiale et moins de vie tout court ! De plus, accroître le temps de travail, c’est aussi aggraver les vrais problèmes du marché de l’emploi en Belgique et dans l’ensemble de l’Europe, à commencer par le chômage des jeunes : concentrer l’emploi sur ceux qui en ont déjà un, en allongeant les journées, les semaines voire les carrières, c’est condamner de nombreux jeunes à rester sur le carreau ; c’est aussi rendre encore plus difficile l’accès à l’emploi aux femmes avec des enfants, par exemple. Sans compter l’augmentation de la misère et de la précarité chez tous ceux qui n’auront pas la chance de travailler. Voulez-vous vraiment continuer comme ça ?

Il est sûr et certain qu’un monde qui prône l’exploitation des pauvres par les riches n’est pas plus glorieux que l’était celui de l’époque de l’esclavage : travail à la chaîne à bas prix ou travail enchaîné pour la vie, le résultat est le même. Chacun a le droit au respect, à vivre une existence décente et à jouir de sa liberté. Si notre société tente de déshumaniser ses habitants, c’est notre rôle de citoyen responsable de la « réhumaniser » à travers des paroles et des actes concrets.


« Ce n’est pas une miette de pain, c’est la moisson du monde entier qu’il faut à la race humaine,
sans exploiteur et sans exploité. »

Louise Michel, institutrice et militante politique française (29 mai 1830 – 9 janvier 1905)





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